L'ART ABORIGÈNE


«Le premier artiste était peut-être un Aborigène d’Australie. En effet, les dernières estimations font remonter l’art aborigène à plus de 50 000 ans et depuis, les Aborigènes n’ont cessé de peindre sur les parois rocheuses, sur le sable, sur les corps, et sur les objets pour maintenir le lien qu’ils entretiennent avec la pensée sacrée et magique du «Temps du Rêve ». Ce terme ne renvoie pas à l’univers des songes, mais à un passé mythologique de la création du monde.

Chaque artiste est donc un passeur de connaissances. Son œuvre transmet un message intemporel d’humanité, de diversité et d’universalité, assurant la liaison entre le passé et le présent. Art premier et art vivant l’art aborigène est lieu d’émotion, de sens et d’évidence, une main tendue entre les civilisations. Ainsi, il s’adresse aux Autres, aux non-Aborigènes, à Nous...»

Une tradition millénaire 

Tenant d’une tradition qui remonte à l’arrivée des premiers habitants de l’Australie, il y a cinquante mille ans, l’art aborigène sort depuis le début des années soixante-dix de la méconnaissance et du désintérêt dans lequel il a été confiné. Le passage à la toile et à la peinture ne change rien à la source d’inspiration de cet art : la terre et les traditions orales et ancestrales qui y sont liées. A l’origine de cet art, point de peinture ni de toile, point de public curieux et extérieur pour venir contempler une œuvre éphémère. Et, cela a duré des milliers d’années. Au cours de tous ces siècles passés à parcourir de vastes étendues de l’Australie, les Aborigènes ont mis en place des symboles et des signes permettant aux initiés de retrouver sur le sol, la paroi d’un rocher, la peau d’un des leurs, leur histoire et leur pays, leur temps et leur espace. Peindre avec les doigts ou avec des brins d’herbes dures constituait alors une œuvre collective à l’occasion de cérémonies et de fêtes qui ponctuaient la vie du temps d’avant.

Le Temps du Rêve ou Dreamtime

A l’origine du monde, esprits et ancêtres ont créé l’univers, ses étoiles et toute vie sur terre. Habités par des sentiments et des habitudes que leurs descendants ont conservés, ces héros mythologiques ont vécu de multiples aventures et au gré de ces dernières, ils ont façonné collines et rochers, trous d’eau, rivières et lacs souvent secs et salés, plantes et arbres, bêtes et hommes, chemins et sentiers… Ils ont établi les règles sociales. Les Aborigènes, nés de leurs aventures, ont la charge, après eux, de ces créations. En en réactualisant ce temps mythique, passé et présent se mêlent et s’enchevêtrent dans le Temps du Rêve. Le Temps du Rêve n’est pas un simple mémorial dont chacun conserve une pièce, c’est un lieu spirituel fort qui lie les Aborigènes entre eux et la terre qui les porte et les nourrit. Il est donc omniprésent. Pour eux, vivre son Rêve, le dessiner sur un corps, sur le sable, sur une écorce ou encore une toile, le chanter ou le danser lors de cérémonies, c’est rappeler le temps des Ancêtres et accéder au temps sacré.

L’Art Aborigène dans le monde de l’art contemporain

L’art aborigène, porteur d’une dimension spirituelle et méditative, offre une esthétique facilement appréhensible pour l’œil occidental. Cette peinture souvent très originale, y compris dans les matériaux employés (terres de couleur différentes mélangées à une base acrylique blanche dans les Kimberley par exemple, ou peinture sur écorce d’eucalyptus dans le nord), laisse rarement insensible et s’est taillée sa place dans l’Art contemporain. Les différentes tendances voire « écoles » aborigènes ont été qualifiées depuis trente ans de « dernier grand mouvement artistique du XXème siècle », par un critique aussi célèbre que Robert Hughes, décédé en 2012.